NATIONS
UNIES
HS

Commission des
établissements humains
Distr.
GENERALE
HS/C/17/5
25 janvier 1999

FRANCAIS
ORIGINAL: ANGLAIS



Dix-septième session
Nairobi, 5-14 mai 1999
Point 7 a) de l'ordre du jour provisoire*
 
 

THEMES SPECIAUX : LA CONCRETISATION DU PROGRAMME POUR L'HABITAT
AU NIVEAU LOCAL NOTAMMENT DANS LE CONTEXTE DES PROGRAMMES
LOCAUX INSPIRES D'ACTION 21

Rapport du Directeur exécutif

Résumé

La Commission des établissements humains, dans sa décision 16/31 du 7 mai 1997, a décidé d'inclure à l'ordre du jour de sa dix-septième session un thème spécial relatif à la concrétisation du Programme pour l'habitat au niveau local, notamment dans le contexte des programmes locaux inspirés d'Action 21. Faisant suite à un examen d'ensemble des expériences menées dans le monde, ce rapport souligne la nécessité d'améliorer les structures locales de planification et de mise en oeuvre au travers, notamment, de campagnes d'information destinées à faire connaître le Programme pour l'habitat et de réformes législatives pour réserver davantage de place aux partenariats et à la participation du public. Pour ce qui concerne le renforcement des partenariats, plusieurs suggestions sont formulées dans le présent document, en particulier l'idée de promouvoir de forums des autorités locales et de faire en sorte que tous les partenaires soient engagés dans l'action locale. Parmi les suggestions sur l'amélioration de la mobilisation des ressources, on trouvera : une meilleure utilisation des sources existantes de revenus locaux, un meilleur accès des autorités locales aux sources nationales et internationales de crédit, le renforcement des synergies financières entre les autorités locales et le secteur privé ainsi que le renforcement de la formation technique, de gestion et de direction. Pour l'amélioration des méthodes et des outils de mise en oeuvre locale, le document recommande de développer des mesures d'incitation et de dissuasion pour motiver la participation de tous les groupes; le recours aux techniques de scénario pour développer des consensus entre les partenaires et l'introduction de "mauvaises" pratiques dans les programmes des meilleures pratiques. En ce qui concerne l'amélioration du suivi et de l'évaluation de la mise en oeuvre au niveau local, le document suggère la définition des objectifs quantifiables répondant aux besoins locaux et la mise en place d'observatoires urbains locaux. Enfin, en ce qui concerne le rôle de la coopération internationale, le document demande instamment aux organisations internationales de prendre en compte les résultats des processus consultatifs locaux et suggère que le CNUEH renforce son appui aux partenariats entre les acteurs locaux et instaure une coalition entre les organisations intervenant dans le domaine du développement durable à l'échelon local.

I. INTRODUCTION

A. Relation entre le Programme pour l'habitat et Action 21

1. La relation entre le Programme pour l'habitat et Action 21 est présentée dans un rapport du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies à l'Assemblée générale portant sur la mise en oeuvre et le suivi de la Conférence des Nations Unies sur les établissements humains, y compris sur le rôle joué par le CNUEH (Habitat) (A/51/384) :

"En décidant de convoquer une conférence sur les établissements humains, l'Assemblée générale a pris en considération la notion fondamentale suivante, à savoir que c'est dans nos établissements - dans nos villes et nos villages - que se concentrent de nombreux problèmes se rapportant au bien-être de l'humanité. C'est dans leurs établissements que les populations apprennent à vivre ensemble dans un climat de paix et de solidarité et que des problèmes apparemment distincts deviennent socialement et politiquement interdépendants. C'est donc dans les établissements que devront se réaliser un certain nombre de principes, d'engagements, de plans et de programmes découlant des différentes conférences mondiales des 10 dernières années. Habitat II était donc, de ce point de vue, un défi lancé aux Etats Membres qui devront traduire en action concertée la plupart des déclarations de principe et des engagements pris lors des diverses conférences mondiales. Ce défi est inscrit dans le Programme pour l'habitat" (paragraphe 3). Au paragraphe 34, le Secrétaire général déclare : "Il convient de noter à cet égard qu'un certain nombre de chapitres d'Action 21 portent sur l'impact d'activités étroitement liées aux établissements humains. Ainsi donc, le Programme pour l'habitat offre un cadre organisationnel utile à la mise en oeuvre des aspects pertinents d'Action 21." 2. Action 21 constitue toujours un instrument fondamental pour la mise en oeuvre du développement durable au niveau local. Le processus d'Habitat II lui-même a bénéficié des programmes locaux inspirés d'Action 21. Dans ce processus, l'accent était nettement mis sur le niveau local, la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat devant s'effectuer pour l'essentiel à cet échelon.

3. Il est aussi évident que le Programme pour l'habitat et Action 21 représentent tous les deux des cadres fort utiles pour organiser l'action locale en direction du développement durable. Ils peuvent être utilisés séparément, selon les principaux problèmes à traiter dans un contexte donné, mais des idées peuvent aussi être tirées des deux programmes et appliquées à un plan d'action local intégré pour le développement durable. Le présent document thématique a été établi en conséquence, eu égard à l'importance du Programme pour l'habitat et d'Action 21 en tant que cadre de mise en oeuvre du développement durable au niveau local.

B. Raison d'être de l'action locale et de l'approche de facilitation

4. Dans la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat, l'action au niveau local est importante principalement pour deux raisons. Premièrement, le développement et la gestion des établissements humains sont essentiellement assurés par les autorités locales (ou les administrations locales) et les acteurs locaux. La seconde raison est que les conditions et les actions locales déterminent en grande partie le succès ou l'échec du développement durable. On sait depuis longtemps que les avantages et les coûts de bien des activités urbaines auront des répercussions telles que pollution de l'eau et de l'air, congestion de la circulation automobile et maladies contagieuses dues à l'insalubrité.

5. Action 21, dans son chapitre 7, et le Programme pour l'habitat adoptent tous les deux le concept d'une approche de facilitation. Le cadre de facilitation permet aux gouvernements d'occuper un rôle central dans la mise en place d'un cadre favorable au développement, mais un moindre rôle dans la mise en oeuvre directe. Ce cadre stimule et appuie la multiplication des initiatives à petite et grande échelle, les investissements et les dépenses des individus, des ménages, des communautés, des entreprises et des organisations volontaires. Cette stratégie est illustrée de façon concrète par les partenariats avec les acteurs concernés : entreprises privées, organisations non gouvernementales, organisations communautaires, associations civiles, groupes professionnels et ménages. Comme il est indiqué aux paragraphes 44 et 45 du Programme pour l'habitat, les gouvernements se sont engagés à promouvoir certains domaines d'action spécifiques concernant la facilitation et la participation.

II. EXPERIENCES DE MISE EN OEUVRE AU NIVEAU LOCAL
DU PROGRAMME POUR L'HABITAT ET D'ACTION 21

6. Depuis l'adoption, il y a trois ans, du Programme pour l'habitat, de nombreux efforts ont été menés au niveau local, national et international pour appliquer ses recommandations. Le présent chapitre récapitule certaines expériences issues de ces efforts ainsi que de la mise en oeuvre des programmes locaux inspirés d'Action 21.

7. Bien des expériences présentées plus loin ainsi que les orientations pour le futur proposées dans la troisième partie du présent document sont basées sur des études de cas dont les conclusions ont été soumises à une réunion d'experts, financée par le Gouvernement finlandais, qui s'est tenue à Turku (Finlande) en septembre 1998. Cette réunion avait essentiellement pour objet d'examiner les expériences pratiques et les questions conceptuelles importantes pour l'action au niveau local, dans le contexte du Programme pour l'habitat et des programmes locaux inspirés d'Action 21 au niveau local. La réunion d'experts a examiné différentes expériences menées en Chine, en Colombie, au Kenya, au Pérou, aux Philippines et en République-Unie de Tanzanie.

8. D'importantes leçons ont également été tirées d'un examen (par le CNUEH et le PNUE) des expériences menées dans la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat et d'Action 21, au niveau local, dans 32 villes participant aux projets de planification et de gestion environnementales. La plupart de ces expériences ont été menées dans les pays en développement où la priorité était accordée à l'amélioration des conditions de logement des groupes défavorisés, avec la réhabilitation des quartiers spontanés et des zones de squatters, l'amélioration de l'accès aux terrains pour les groupes à faible revenu, l'amélioration du financement du logement et de la gestion environnementale. Les expériences des pays à économie en transition portent essentiellement sur le développement juridique et institutionnel, l'amélioration des infrastructures, la disponibilité et l'accessibilité financière au logement et le renouvellement du parc de logements. Un grand nombre de nouvelles lois ont été votées tandis que des plans d'aménagement sont introduits à tous les niveaux. L'un des sujets communs de préoccupation pour les pays développés est la protection de l'environnement, notamment en ce qui concerne la réduction de la consommation d'énergie dans les transports publics, le déplacement de certaines industries et la réduction des disparités régionales. Dans ce cadre, les programmes inspirés d'Action 21 ont joué un rôle important à tous égards. Dans certains cas, ils ont été élargis pour couvrir des questions relevant des établissements humains, voire convertis en autant de "Programmes pour l'habitat au niveau local".

9. L'examen des expériences de plusieurs programmes internationaux a aussi permis de tirer d'importantes leçons. Les principaux programmes examinés sont les suivants : le Programme des cités durables conjointement mis en oeuvre par le CNUEH (Habitat) et le PNUE ; le Programme de gestion urbaine mené par le CNUEH (Habitat) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ; le Programme des communautés modèles pour la mise en oeuvre locale d'Action 21, exécuté par l'ICLEI, le Centre de recherche pour le développement international (CRDI) et le PNUD ainsi que le Programme de mise en oeuvre locale d'Action 21 mené par le CNUEH (Habitat). D'autres programmes ont également été examinés, notamment le Programme villes-santé exécuté par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Programme de développement communautaire mis en oeuvre par le CNUEH (Habitat) et l'Agence suédoise pour le développement international (DANIDA), le Programme d'amélioration de l'environnement urbain exécuté par le PNUD et la Banque mondiale et le Programme du partenariat public-privé mené par le PNUD et le Conseil des entreprises pour le développement durable.

10. En examinant ces expériences, il est important de tenir compte du fait que le Programme pour l'habitat n'a été adopté qu'il y a trois ans, à Istanbul. Le Programme pour l'habitat n'est, en effet, pas encore aussi connu sur le plan international qu'Action 21, qui a été, lui, adopté en 1992.

A. Expériences en matière de cadres et de dispositifs institutionnels

11. La qualité et les performances du cadre de facilitation dépendent du niveau de participation, de l'esprit d'initiative, des rapports et des accords entre partenaires, de la manière de voir des participants, de la nature et du volume des ressources ainsi que du contexte socio-politique. Certains de ces facteurs peuvent être influencés par l'action publique tandis que d'autres sont déterminés par des conditions socio-économiques plus générales.

1. Facilitation et participation

12. L'expérience montre que l'action locale pour ce qui est de la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat doit reposer sur la participation d'un nombre d'acteurs aussi important que possible. Le processus, cependant, est beaucoup plus laborieux que les méthodes non participatives. Les expériences menées au Pérou et dans d'autres pays ont montré qu'une "communauté" n'est pas une unité homogène et harmonieuse. Toute communauté comporte des intérêts opposés, par exemple entre les notables (même s'il s'agit de personnalités) et une partie de la population, entre les plus démunis et ceux qui s'en sortent un peu mieux, entre les femmes et les hommes, entre les jeunes et les vieux. C'est pourquoi, dans le contexte de l'action locale, les autorités locales devraient avoir une idée précise des rapports qu'elles entretiennent avec les communautés et des secteurs qu'elles identifient spécifiquement comme acteurs. Savoir qui participe "le plus" ou "le plus efficacement" dépend largement du niveau et du type de participation qui sont encouragés. La participation des responsables communautaires aux processus d'action locale ne garantit pas que la communauté soit représentée dans son ensemble. La législation doit prendre des dispositions et réserver un espace suffisant pour permettre la participation du public et guider la planification de l'action au niveau local. Il faut que les autorités locales introduisent des réformes législatives qui facilitent la participation des comités de quartier, des associations de résidents ou des groupes de consommateurs.

13. Il est essentiel pour ceux qui sont engagés dans le processus de mise en oeuvre locale d'Action 21 qu'une entente soit trouvée entre les parties concernées par les différentes questions. Dans les activités de consultation du projet de modèle communautaire de Mwanza, par exemple, il est évident qu'un processus d'éducation communautaire et de partage de l'information s'imposait avant que les habitants, suffisamment informés, puissent s'engager activement dans le processus local d'Action 21. Les communautés ont été invitées à analyser leurs problèmes environnementaux, à définir des objectifs et à identifier des stratégies au travers d'un comité regroupant différentes parties, et elles y sont parvenues même si la mise en oeuvre a souffert d'une insuffisance de fonds vers la fin du projet.

14. La participation au niveau des ménages est déterminante pour la réussite de l'action locale, telle est l'une des principales leçons tirées des expériences examinées. Les habitants des quartiers pauvres sont co-responsables de l'amélioration des conditions environnementales de leur quartier. Leurs notions, souvent basées sur la réalité socio-culturelle, économique et physique de leur quartier, peuvent être enrichies par des connaissances techniques apportées par les professionnels.

15. Autre leçon à tirer, des méthodes simples peuvent s'avérer très efficaces pour présenter des questions complexes et obtenir une participation substantielle. L'équipe d'un projet mené au Pérou, par exemple, devait évaluer les questions environnementales et présenter leur complexité aux parties prenantes. Pour ce faire, un système de "feux tricolores de l'environnement" a été mis au point à la fois dans un but de contrôle et de suivi. Une grande quantité d'informations a été collectée sur les conditions sociales, économiques et environnementales. Chacune des données était traduite par une couleur : rouge pour les problèmes existants, jaune pour les problèmes imminents et vert pour un bon niveau de qualité. Cette méthode a permis au grand public de mieux appréhender les situations, même lorsque la nature des données était très complexe.

2. Ateliers et groupes de travail

16. De nombreux processus du Programme pour l'habitat et d'Action 21 au niveau local commencent par des ateliers réunissant des représentants de tous les secteurs et organisations. En règle générale, les participants à ces ateliers sont le gouverneur du district, les membres du Parlement, le maire, les conseillers, les responsables des départements municipaux, les représentants des organisations non gouvernementales et communautaires, le personnel des centres de recherche et les représentants du secteur privé. Compte-tenu des succès obtenus dans la plupart des expériences examinées, il apparaît clairement que les ateliers sont une façon très efficace de lancer les initiatives locales du Programme pour l'habitat et d'Action 21.

17. L'expérience menée à Pampas de San Juan, à Lima, met en lumière des méthodes particulièrement efficaces de collecte de données. Dans ce cas, il a été fait appel à la vision que les résidents avaient de leur quartier. Des ateliers de diagnostic ont été organisés au cours desquels les habitants devaient exprimer leur vision par des dessins. Des résultats inattendus ont été obtenus par ce moyen : les rêves que les gens avaient de leur environnement futur étaient très similaires. Alors que les discussions verbales révèlent souvent des points de vue divergents, les dessins ont traduit un certain consensus.

18. Les groupes de travail sont un excellent moyen d'assurer une participation élargie et de faciliter l'accès aux connaissances spécialisées par la communauté. Ils s'avèrent particulièrement efficaces dans le cadre du "modèle sectoriel" coordonné utilisé dans le projet mené à Bradford et à Leeds (Royaume-Uni). Une approche participative sectorielle coordonnée est souvent adoptée par les groupes de travail axés sur différentes questions sectorielles, qui sont formés pour réunir et consulter la communauté de divers établissements. Ces groupes de travail collectent l'information et les données et recrutent les animateurs de quartier pour les faire participer au processus de planification locale.

3. Forums et réseaux

19. Les expériences menées au Brésil, aux Philippines et au Pérou ont fait la preuve de l'utilité des forums et des réseaux en tant que dispositif de partage des connaissances et d'encouragement à la réplication d'initiatives innovatrices au niveau local. Le "Forum des villes pour la vie" établi au Pérou, par exemple, fournit de nombreux enseignements sur la façon dont les administrations locales (en partenariat avec la société civile et avec l'appui de l'Etat) peuvent améliorer la gestion de l'environnement urbain et réaliser des activités locales de façon judicieuse. Le Forum rassemble 18 municipalités représentées par leurs maires, des ONG, des organisations populaires, des universitaires, des experts et des enseignants ayant des objectifs en commun, au niveau régional. Cette approche est nécessaire car l'expérience montre que des actions sectorielles non coordonnées et isolées parviennent rarement à introduire des changements durables.

20. Le Forum a pour tâche principale de diffuser auprès de ses membres les enseignements tirés des meilleures pratiques disponibles au Pérou et d'appuyer leur application à l'échelon local. On ne cherche pas à mettre au point des recettes car il est entendu que chaque municipalité doit avoir sa propre approche. Des lignes directrices communes aux meilleures pratiques sont développées pour promouvoir les "Villes pour la vie". Le Forum cherche à renforcer les activités existantes dans chaque ville avant d'en lancer de nouvelles, et prône que l'on commence par des projets et des investissements assez modestes pour stimuler des investissements et des opérations de plus grande envergure. Il s'attache à aider les institutions et les municipalités les plus fragiles en diffusant des pochettes d'information ainsi qu'un manuel de mise en oeuvre d'Action 21 au niveau local.

4. Engagement professionnel

21. L'action au niveau local implique que les professionnels soient proches de la population, au sens physique et intellectuel. C'est pourquoi il est nécessaire que les professionnels reçoivent une formation dans les domaines de la sensibilisation communautaire, de l'écoute et de la communication, afin que les propositions de la communauté puissent se traduire en projets réalisables.

5. Vision pour le futur

22. Il est important d'élaborer une vision commune du futur pour lancer l'action au niveau local. Cette vision constitue un puissant outil dans la lutte pour le progrès. Elle fait partie du processus d'Action 21 tant et si bien qu'elle constitue désormais un élément essentiel de toute initiative d'action au niveau local. Cette vision commune doit non seulement comprendre les objectifs de la communauté mais aussi attribuer des responsabilités à chaque acteur, définir ce qui peut être entrepris au moyen de l'action communautaire et décider si une aide extérieure doit être recherchée. L'expérience dans la formulation de propositions environnementales a montré que pour être efficace, une vision doit inclure à la fois le court et le long terme. De plus, elle doit essayer de surmonter l'instabilité électorale au niveau des autorités locales.

6. Pactes urbains

23. A Nakuru (Kenya), Essaouira (Maroc) et Vinh City (Viet Nam), le Programme d'application locale d'Action 21 a montré que les pactes urbains constituent un outil efficace pour la synthèse des résultats des consultations et pour faire respecter l'engagement des partenaires ainsi que les échéances dans le programme de travail. Ces pactes indiquent quels partenaires sont engagés dans le processus et quand ces actions doivent être entreprises. Les pactes sont eux-mêmes intégrés au cadre institutionnel existant des autorités locales.

7. Direction locale

24. L'expérience a montré que la direction locale est un élément clé de l'action au niveau local. Les dirigeants locaux peuvent intervenir en tant qu'entrepreneurs socio-politiques en proposant de bonnes idées, en guidant adroitement les processus de réformes et les changements institutionnels et en instituant des coalitions productives. C'est pourquoi les maires, les conseillers municipaux et les parlementaires doivent désormais constituer la cible des organisations des Nations Unies en tant que participants aux conférences et aux ateliers de formation, dans une mesure beaucoup plus importante que par le passé où le principal groupe cible était constitué par les professionnels. Même si l'aptitude à diriger est essentiellement due à des processus socio-politiques, elle peut être renforcée par la formation.

8. Décentralisation

25. L'orientation donnée à bien des plans d'action nationaux et locaux préparés dans le cadre de la Conférence Habitat II indique que les gouvernements s'éloignent du schéma rigide d'un plan d'action national unique pour adopter des ensembles de politiques plus souples et plus variées et pour en assurer le suivi. La subsidiarité par la délégation des tâches et des responsabilités aux autorités locales et aux communautés est une tendance très nette. Les traditions administratives et les ressources disponibles conditionnent néanmoins le rythme et les méthodes des processus de décentralisation.

B. Expériences en matière de mobilisation des ressources
économiques, financières et des autres ressources

26. Les expériences de mise en oeuvre locale du Programme pour l'habitat montrent que les ressources économiques et financières pour le développement local peuvent être obtenues de différentes sources, notamment grâce à l'aide internationale, aux transferts inter-gouvernementaux, aux taxes locales, aux contributions du secteur privé, au secteur bénévole et à l'auto-construction par les ménages. Toutes ces sources sont sujettes à des limitations ou à des choix et varient en fonction des conditions économiques.

1. Autoconstruction et développement communautaire

27. L'efficacité de l'autoconstruction est l'un des principaux enseignements tirés des initiatives en matière d'habitat au niveau local (tant avant qu'après Habitat II) et de la mise en oeuvre des programmes locaux inspirés d'Action 21. Dans de nombreux cas, dans les pays en développement, l'autoconstruction conjuguée au développement communautaire occupe une place prépondérante et obtient très souvent d'excellents résultats dans le secteur du logement économique et même dans les quartiers à moyen revenu lorsque les marchés immobiliers sont difficilement accessibles et lorsque l'auto-construction se révèle plus économique que les autres options. Une des formes d'autoconstruction est dite "autonome" en ce sens que la participation de l'Etat est minimale et qu'elle encourage le développement spontané d'éléments de la communauté. Elle permet d'éviter les pesanteurs bureaucratiques et les pratiques abusives, mais le processus doit parfois faire appel à certains éléments commerciaux. Une autre forme est dite "hétéronome" car elle fait intervenir davantage l'Etat, en général pour la réhabilitation des quartiers informels. L'évolution de la forme "autonome" vers la forme "hétéronome" en termes de développement des établissements humains signifie beaucoup plus qu'une simple différence dans la forme car au travers de ce processus, l'Etat peut politiser, renforcer les pouvoirs, faire accéder les catégories à faible revenu au développement et par conséquent, étendre la participation au-delà du développement limité de projets.

2. Acteurs et financements extérieurs

28. La participation d'acteurs extérieurs (ONG, donateurs, etc.) est essentielle pour les opérations d'amélioration de quartiers qui nécessitent d'importantes dépenses d'équipement. Toutefois, les objectifs de développement durable ne peuvent être atteints que si les habitants partagent la responsabilité des investissements et de la maintenance à long terme. Dans le cas contraire, lorsque le "projet" est achevé, les services se détériorent rapidement car personne ne les "possède" ou n'a accès aux fonds nécessaires pour les remettre en état. Les projets comme le Programme des communautés modèles mené à Mwanza (République-Unie de Tanzanie) ont l'inconvénient de ne pas avoir de ressources en investissements pour pouvoir appuyer l'exécution des plans d'action élaborés à la suite de la mise en oeuvre locale d'Action 21. L'une des leçons tirées de cette expérience de Programme des communautés modèles est que, malgré les politiques de développement durable de transparence et de participation adoptées par les organismes de financement internationaux, il est peu probable que les objectifs de ces institutions soient atteints à moins qu'elles n'adaptent leurs procédures de travail à la planification communautaire.

3. Subventions

29. Plusieurs décennies d'expériences de programmes de logement et d'infrastructures font apparaître l'adéquation des financements et des autres ressources aux coûts du marché comme l'un des principaux défis politiques. L'utilisation des subventions pour venir en aide aux pauvres des villes doit être soigneusement ciblée, toutes les subventions devant être extrêmement visibles, transparentes et uniquement attribuées dans une perspective de durabilité.

4. Revenus des autorités locales

30. C'est aux autorités locales elles-mêmes qu'il incombe de résoudre le problème de l'insuffisance de la collecte de revenus municipaux, dans la mesure où ce phénomène va à l'encontre de la mise en oeuvre de projets vitaux d'infrastructures. Parmi les activités menées en ce sens, un plan d'action est actuellement exécuté dans le cadre du Projet de mise en oeuvre locale d'Action 21, à Nakuru (Kenya) pour rationaliser la collecte des taxes municipales liées au logement, à l'eau, aux marchés, aux déchets solides et aux revenus immobiliers.

5. Education et ressources en formation

31. De récentes expériences innovatrices font apparaître que les ressources en termes d'éducation et de formation environnementales sont déterminantes pour la réussite de l'action locale. Certaines expériences nationales ont démontré l'importance d'un programme continu de formation environnementale pouvant fonctionner à différents niveaux de participation et intégrer tout le processus de l'action locale. Les cibles clés semblent être les notables, les éducateurs et les chefs d'entreprise.

32. A Manizales (Colombie), la formation constante de ces trois groupes a permis de promouvoir et d'améliorer les capacités de gestion environnementale de la communauté. La formation environnementale a eu sur le secteur privé un effet très significatif en ce sens qu'elle a conduit récupérateurs, mères de famille, petits entrepreneurs, commerçants et jeunes travailleurs à comprendre l'environnement en tant que source de développement économique et social. Les ressources institutionnelles ont été fournies par l'université, la Fondation sociale et le Service national d'apprentissage (SENA). L'université a mis en place une permanence du service d'information environnementale pour le secteur privé.

33. Au Royaume-Uni, dans le processus de mise en oeuvre locale d'Action 21, non seulement la première étape a-t-elle été la formation des employés municipaux, des chefs d'entreprise et du public sur Action 21, mais l'information et l'éducation sont aussi devenus des éléments de base de l'ensemble du processus politique de mise en oeuvre locale d'Action 21.

34. Un autre exemple réussi de l'utilisation des ressources existantes en formation est celui d'Essaouira (Maroc) où le patrimoine culturel de la vieille ville a longtemps été menacé par l'absence de réelle politique de conservation et de revitalisation. La collaboration entre le conseil municipal et les écoles d'architecture d'Essaouira a abouti à la création d'une base de données physiques sur la vieille ville qui devrait aider les secteurs privé et public à formuler et à mettre en oeuvre des projets de revitalisation.

C. Expériences en matière de planification et de gestion foncière

35. De nombreux et précieux enseignements ont été tirés des initiatives locales qui ont précédé tant Action 21 que le Programme pour l'habitat, principalement dans le domaine de la planification et de la gestion de l'utilisation des sols, des infrastructures urbaines, des services et du développement du logement. Certaines de ces initiatives ont été menées dans le cadre des processus préparatoires du Sommet de la Terre, en 1992 et d'Habitat II, en 1996.

36. Il est peu probable que les questions de planification macro-spatiale des villes soient résolues par la participation communautaire. Toutefois, dans les cas où la participation s'est poursuivie sur une longue durée, comme à Chattanooga (Etats-Unis d'Amérique), il a été possible de travailler à la fois sur la forme et sur la nature de l'ensemble du développement urbain. A Chattanooga, les partenariats participatifs avaient pour cible la revitalisation du centre ville et le contrôle de l'expansion urbaine. De même, à Cleveland (Ohio) les partenariats participatifs ont abouti à des évaluations analytiques des coûts et des avantages comparatifs de l'utilisation des "zones brunes" du centre ville par rapport aux "zones vertes" de la banlieue, pour organiser le développement urbain.

37. Depuis les années 60, la ville de Singapour s'est développée spatialement grâce à des politiques à long terme de développement urbain durable en termes d'équilibrage de la croissance économique, de progrès social et de mise en valeur du capital environnemental urbain. A Curitiba (Brésil), depuis les années 70, le développement économique et la planification spatiale ont modelé l'expansion de la ville en axes linéaires, en fonction des lignes d'autobus. De même, d'importantes améliorations ont été apportées dans la mise en oeuvre et la gestion de la réhabilitation des bidonvilles, de la collecte des déchets, de l'expansion industrielle et des services sociaux.

38. Le développement spatial peut aussi être influencé, dans une large mesure, par la réhabilitation continue et à long terme des quartiers de squatters. On citera pour exemple le cas d'un des principaux projets de réhabilitation de bidonvilles menés par la Banque mondiale en Indonésie, le Programme d'amélioration des Kampung (KIP). Entre 1973 et 1993, le KIP a amélioré les conditions de vie, les sentiers pédestres, les équipements et les services sociaux ainsi que les conditions de logement, en lançant quatre projets qui ont bénéficié de prêts de la Banque mondiale pour un montant total de 439 millions de dollars ainsi que d'autres ressources apportées par le gouvernement central et les autorités locales. Des réformes institutionnelles ont permis l'organisation et la participation des communautés. Les améliorations de quartiers étaient centrées sur la planification sociale des services d'éducation et de santé, un plus grand volume d'investissement des ménages dans l'amélioration de leurs logements, un accroissement des valeurs immobilières (avec peu de modifications sociales) et une plus grande maturité en termes d'organisation socio-politique chez les pauvres.

D. Expériences en matière d'infrastructures, de services et de logement

39. L'amélioration des infrastructures, des services sociaux et du logement peut être apportée d'un seul coup ou bien progressivement introduite au travers de partenariats entre les communautés organisées, le secteur privé et les organismes gouvernementaux. Parfois, certains éléments peuvent être améliorés de façon "autonome". Parmi les conditions facilitatrices, on notera la sécurité d'occupation foncière, l'instauration d'un lien entre installation et maintenance et l'adoption de phases progressives qui permettent, par exemple, aux petites infrastructures de quartier de se connecter peu à peu aux réseaux de l'ensemble de la ville. Parfois, les systèmes d'assainissement peuvent appartenir à la communauté et la maintenance être confiée à des groupes locaux. Dans le district d'Orangi à Karachi (Pakistan), une communauté dirigée localement a assuré l'installation et la maintenance d'un système d'assainissement à l'échelle d'une population de 800 000 personnes, pour un coût de 66 dollars seulement par foyer, ce qui est très avantageux par rapport au coût unitaire d'un système d'assainissement ordinaire.

40. Le développement du logement social a connu à la fois succès et échecs au travers de deux approches. Dans l'une des approches, des logements publics conventionnels ont été réalisés pour les groupes à faible revenu et se sont souvent avérés inaccessibles et peu appropriés, finissant par attirer les groupes à revenu plus élevé. Toutefois, cette approche a été appliquée avec succès dans les conditions particulières de Singapour et Hong Kong. Dans une approche alternative, il a parfois été possible de réussir des programmes d'autoconstruction assistée sur des parcelles assainies, parallèlement à la réhabilitation des bidonvilles. Cependant, même lorsque les projets ont réussi, l'impact de développement s'est limité aux zones concernées. Ce qui prouve qu'il est nécessaire de faire en sorte que le secteur du logement dans son ensemble soit développé en tant que intégrante de l'économie urbaine, en particulier pour ce qui concerne le développement du financement du logement et des politiques foncières.

41. Le développement du logement tel qu'il apparaît dans les nouvelles stratégies mises en oeuvre en République populaire de Chine, par exemple dans le projet Anju Engineering, tend à encourager de plus fortes densités, l'investissement étranger, l'accroissement de la part des investissements dans la construction de logements résidentiels et la promotion du secteur du logement, en établissant des structures de subvention différentes et bien ciblées pour des populations à revenu différent, de façon à créer un cycle durable de construction de logements, d'utilisation, de circulation et d'appréciation des valeurs immobilières. Les vieilles politiques de distribution gratuite de logements laissent la place à l'achat de maisons avec la mise en place de fonds pour le logement qui associent des subventions gouvernementales bien ciblées aux contributions des foyers en fonction de leur revenu. Ces réformes font partie d'un processus progressif qui rompt avec le principe de la responsabilité centralisée au profit du partenariat entre le gouvernement et les propriétaires et d'un système de fourniture de logements fondé sur les lois du marché.

E. Rétroinformation générale suite à l'examen de la mise
en oeuvre du Programme pour l'habitat

42. L'examen de la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat a conduit aux conclusions présentées ci-après. Un consensus s'est dégagé sur ces thèmes lors de la réunion d'experts de Turku citée plus haut, au paragraphe 7.

43. Le Programme pour l'habitat est pour le moment très mal connu de ceux qui sont censés le mettre en oeuvre (décideurs et grand public dans le monde entier). Il est donc important de renforcer la publicité et les campagnes d'information pour combler cette lacune.

44. Le Programme est trop dense - il compte 241 paragraphes et 138 pages - et traite de trop de questions à la fois. Tel qu'il est présenté, sa mise en oeuvre est considérée comme impossible. Il faut en effet procéder à une définition systématique des priorités ainsi qu'à un recentrage du Programme au niveau national et au niveau local.

45. Par ailleurs, il subsiste toujours quelques ambivalences sur le lien entre le Programme pour l'habitat et Action 21.

46. Quelques ambiguïtés persistent également dans les perspectives et l'échelle de ce que le terme "local" recouvre dans les expressions; mise en oeuvre locale du Programme pour l'habitat, et "programmes locaux inspirés d'Action 21". Pour certains, "local" signifie au niveau de la ville ou des autorités locales tandis que pour d'autres, "local" recouvre toute action menée par un groupe local, quelle que soit la taille du groupe ou sous-unité urbaine.

47. La plupart des partenaires ont nettement mis l'accent sur le rôle crucial des ressources (nationales et extérieures), ainsi que sur la nécessité d'améliorer les systèmes de finances municipales dans la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat.

III. VOIES POUR LE FUTUR

A. Améliorer le cadre de la planification et de la gestion locale

48. Trois ans après Istanbul, le Programme pour l'habitat est toujours assez peu connu des décideurs et du grand public dans la plupart des pays. Une version plus courte et plus au goût du jour du Programme pour l'habitat que le CNUEH (Habitat) est en train de mettre au point devra être diffusée largement, à la fois sous forme de brochure et sur Internet. Elle devra également être traduite dans les principales langues nationales comme le Programme l'a été dans plusieurs pays.

49. Les principes du Programme pour l'habitat doivent être vulgarisés au moyen d'une grande stratégie de communication faisant intervenir les médias. Une campagne d'information internationale devra être organisée en association avec des campagnes nationales qui prévoient notamment la distribution de pochettes d'information au niveau des écoles. La publicité devrait être liée aux campagnes nationales déjà en cours sur Action 21 ainsi qu'aux deux Campagnes mondiales sur la sécurité foncière et la gouvernance urbaine proposées dans le programme de travail du CNUEH (Habitat) pour l'exercice biennal 2000-2001 (HS/C/17/8). Ces mesures devraient renforcer la diffusion d'Action 21 et du Programme pour l'habitat et permettre de faire le meilleur usage possible des ressources limitées dont on dispose. Les gouvernements devraient contribuer à la préparation et à la diffusion des matériels de publicité tels qu'affiches et brochures, au niveau du pays et des régions.

50. Les gouvernements devraient revoir les législations en vigueur de façon à laisser davantage de place aux partenariats, à la participation du public et à la planification de l'action locale. Les municipalités devraient faire des recommandations, notamment pour savoir quels cadres législatifs sont requis au niveau national, et devraient aussi être encouragées à travailler ensemble de façon à rendre les réforme législatives plus tangibles.

51. Il est essentiel de déterminer à quel niveau les initiatives locales nécessitent une action administrative et exécutive. Contrairement au principe général de subsidiarité, il convient de placer les initiatives locales au plus haut niveau administratif et exécutif possible, par exemple au niveau du maire ou des conseillers municipaux, afin que ceux qui détiennent le vrai pouvoir puissent adhérer à l'approche adoptée. Ainsi, les initiatives locales pourront s'intégrer véritablement aux processus existants de planification et d'investissement officiels.

52. Un espace adéquat pour la participation du public peut être créé en intégrant les approches participatives issues des initiatives locales aux activités des comités de développement de quartiers existants ou de nouveaux quartiers, des groupes de résidents ou des associations de consommateurs, établissant ainsi une base institutionnelle locale ouverte à tous. Les projets de coopération technique peuvent être utilisés comme autant d'occasions pour lancer des réformes législatives. Cela étant, les initiatives locales ne doivent pas attendre la mise en place de cadres juridiques et administratifs.

53. Pour garantir la durabilité, les solutions préconisées devraient, dans la mesure du possible, s'appuyer sur les institutions, les structures et les dynamiques locales. Il relève du bon sens de chercher à les renforcer plutôt que de créer de nouvelles initiatives qui risquent de mal refléter les priorités locales et de ne susciter guère d'enthousiasme.

B. Renforcer les partenariats dans la mise en oeuvre locale

54. Les administrations nationales ont un rôle déterminant à jouer dans la mise en place d'un cadre qui appuie et renforce les pouvoirs des autorités locales et des autres acteurs de la mise en oeuvre de l'action au niveau local. Les pouvoirs et les revenus des autorités locales sont souvent trop faibles pour soutenir un projet local du Programme pour l'habitat ou d'Action 21. Les administrations nationales devraient créer un environnement qui permette aux initiatives locales de s'épanouir, notamment en autorisant des réunions et associations de municipalités afin qu'elles puissent mener des programmes de sensibilisation environnementale à l'échelle du pays, pour compléter les initiatives individuelles des villes et traiter les problèmes allant au-delà des frontières municipales. Les administrations nationales également organiser des programmes nationaux de formation à l'intention des élus municipaux. Enfin et surtout, elles devraient éliminer tous les obstacles juridiques et administratifs qui entravent la mise en oeuvre effective des initiatives locales. Des autorités locales fortes (financièrement, politiquement et professionnellement) sont une condition essentielle de l'action locale. Le fait de développer des partenariats ne doit pas faire oublier aux autorités locales qu'elles ont leurs responsabilités propres en la matière, les efforts des partenaires devant être considérés comme des actions complémentaires des autorités locales.

C. Ressources

55. Le développement durable au niveau local ne peut se réaliser sans ressources adéquates. Il faut bien admettre que, dans de nombreux pays, l'action locale requiert à la fois des ressources supplémentaires et l'utilisation judicieuse des ressources financières existantes. Il est donc indispensable que les finances municipales soient améliorées au niveau local, essentiellement au travers de l'exploitation optimale du potentiel des taxes foncières, des taxes sur les services et autres taxes locales. Les ressources devraient être plus en conformité avec les responsabilités qu'elles ne l'ont été, en général, jusqu'à présent.

56. Les fonds qui sont actuellement réservés aux autorités locales sont insuffisants. Les autorités locales manquent cruellement d'un système, plus performant et plus simple, qui permette l'obtention de prêts pour les investissements à long terme. Les gouvernements pourraient mettre en oeuvre un tel système, en partenariat avec le secteur privé et les organisations non gouvernementales. La durabilité d'un projet doit être basée sur les ressources locales/nationales et ne pas dépendre uniquement des prêts internationaux.

57. Les autorités locales devraient étudier les différents moyens d'établir des liens avec le secteur financier, comme cela se fait déjà dans de nombreux pays. Il est également nécessaire de faire une évaluation systématique des mécanismes au travers desquels le secteur privé pourrait participer au développement local. On compte maintenant un grand nombre d'expériences réussies, ou moins réussies, de partenariats et de privatisation des services municipaux et de précieux enseignements en ont été tirés. Ces expériences montrent en général le degré élevé de complexité de ces stratégies, en particulier en ce qui concerne la recherche de la qualité et d'une distribution équitable des services. C'est pourquoi il faut agir avec précaution dans l'adoption et la mise en oeuvre des solutions basées sur le secteur privé.

58. Il existe par ailleurs un besoin de développement des capacités et de formation technique chez les acteurs clés. Il s'agit notamment, pour l'administration centrale et les autorités locales, les ONG et les organisations communautaires, de formation dans les domaines techniques, de gestion et de direction. Des efforts plus importants doivent en outre être consacrés à l'échange des connaissances entre pays en développement et pays développés. La participation des étudiants aux processus de planification de l'action au niveau d'un quartier défavorisé, par exemple, est une façon appropriée d'éduquer les futurs professionnels et de développer, à long terme, une sensibilisation aux besoins et aux conditions de vie des populations de ces quartiers. Les capacités de recherche des universités locales devraient aussi être mises à profit dans les processus d'action au niveau local.

D. Méthodes et outils de mise en oeuvre des actions locales

59. Certes, il n'existe pas de recette générale pour l'action au niveau local, mais quelques méthodes et outils peuvent, s'ils sont adaptés aux conditions locales, contribuer à renforcer l'efficacité des actions engagées. L'introduction de mesures incitatives et dissuasives constitue l'un des outils les plus efficaces pour encourager tous les groupes à participer à la planification et à la gestion durables au niveau local. Par exemple, les industries qui éliminent leurs déchets peuvent bénéficier d'une exemption de taxes tandis qu'une "taxe sur les pollueurs" peut être mise en place pour dissuader celles qui éludent leurs responsabilités.

60. Les consultations et les autres formes de partenariat devraient chercher à dégager une vision partagée de la situation locale, ce qui permettrait de trouver un terrain d'entente (pactes urbains) entre les différentes parties prenantes. Il est fondamental que les responsables du processus soient totalement engagés à promouvoir cette vision.

61. L'échange d'expériences entre les villes et les projets au travers des forums, de la diffusion des meilleures pratiques et d'autres moyens, doit tenir compte des besoins des utilisateurs. Les échanges d'informations sur les expériences devraient montrer les aspects négatifs comme les aspects positifs, mais une telle objectivité implique la confiance de ceux qui présentent ces expériences et la tolérance de ceux qui reçoivent l'information.

62. Pour que de véritables améliorations des conditions de vie et de travail interviennent à l'échelle du pays, il est nécessaire que les initiatives locales, réussies et innovatrices, soient largement répliquées. Certaines des expériences examinées plus haut indiquent clairement que la mise en place de réseaux nationaux et de forums, ainsi que le partage des meilleures pratiques à l'échelle nationale et internationale, font partie des moyens les plus efficaces pour atteindre cet objectif.

63. Une approche exhaustive de l'action locale donne aux communautés l'occasion d'analyser les corrélations entre les différentes questions et de prendre connaissance des implications à long terme. On admet, toutefois, qu'une telle approche est laborieuse. A la différence de l'approche exhaustive, toute action locale tendant à traiter les problèmes existants ne s'avère de plus efficaces que lorsque seuls quelques problèmes sont traités à la fois. Les acteurs locaux doivent comprendre les implications de la durabilité sur les contextes locaux et leurs composantes sectorielles (par exemple en gardant une rivière propre ou en la nettoyant, en éliminant les ordures, etc.) et comment celles-ci contribuent à l'amélioration progressive de tout l'environnement. Le succès d'initiatives modestes suscite la confiance et encourage à continuer alors que les échecs rencontrés dans des tâches plus complexes sont démoralisants et n'encouragent pas à recommencer.

E. Améliorer le suivi et l'évaluation de la mise en oeuvre locale

64. Des objectifs quantifiables devraient être établis tandis que les avantages et les coûts économiques et sociaux (création de revenus, réduction des risques sanitaires, etc.) devraient être évalués régulièrement. Les résultats devraient être mis en lumière pour montrer aux responsables politiques, aux chefs d'entreprise et aux autres acteurs que les progrès réalisés sont économiquement rationnels et que l'action au niveau local devrait être poursuivie grâce à des engagements à long terme. Ces évaluations et ces contrôles, entre autres, devraient concerner à la fois les changements physiques (améliorations des services, niveaux de pollution, logement, etc.) et les indicateurs de processus (par exemple, davantage de groupes engagés, etc.).

65. Les autorités locales sont encouragées à créer des observatoires urbains locaux dans le cadre du réseau de l'Observatoire urbain mondial actuellement mis en place par le CNUEH (Habitat). L'Observatoire urbain mondial, en tant que source de connaissances et de développement de compétences, a pour mission d'aider les gouvernements, les autorités locales et leurs partenaires à améliorer la collecte, la gestion, l'analyse et l'utilisation des informations et des indicateurs afin de formuler des politiques urbaines plus efficaces, de comprendre comment les villes fonctionnent en tant que systèmes socio-économiques et de savoir comment utiliser ces connaissances pour assurer une planification de l'action mieux conçue.

F. Le rôle de la coopération internationale

66. Les organisations internationales travaillant en coopération avec les administrations nationales ont pour mission de faciliter la fourniture d'une aide technique et financière aux autorités locales et à leurs partenaires dans le processus de mise en oeuvre de l'action au niveau local. Elles doivent, par conséquent, respecter les priorités des acteurs locaux au lieu de poursuivre leurs propres objectifs. C'est pourquoi il importe qu'elles soient relativement souples pour tenir compte des résultats des processus consultatifs au niveau local et consacrer suffisamment de temps pour permettre à l'action locale de se consolider. De par la nature de son mandat, le CNUEH (Habitat) est particulièrement bien placé pour appuyer les partenariats entre les différentes parties engagées dans le développement urbain durable. Les lignes directrices actuellement élaborées par le CNUEH (Habitat) et les partenaires d'Habitat sur la mise en oeuvre du Programme pour l'habitat au niveau local seront particulièrement utiles dans cette perspective.

67. Des initiatives externes peuvent favoriser l'action au niveau local, mais une certaine patience est nécessaire pour pouvoir juger des résultats. Une grande souplesse du point de vue délai doit être prévue, de façon à permettre aux acteurs locaux d'appuyer totalement les composantes politiquement ou socialement délicates des plans d'action. Un processus s'étalant sur 5-6 ans avec des apports extérieurs décroissants semble être plus approprié dans ces conditions qu'une aide sur trois ans.

68. Le secteur privé a, jusqu'à maintenant, assez peu contribué à la formation de partenariats pour l'action locale mais cela peut être le résultat de contraintes inhérentes aux cadres juridiques et administratifs existants. Les associations internationales peuvent encourager les institutions locales à s'engager davantage. La participation des chambres de commerce, des clubs (comme le Rotary Club) ou des organisations religieuses sera facilitée si l'on fait participer leurs associations internationales aux activités du système des Nations Unies.

IV. POINTS A DISCUTER

69. Les points suivants sont recommandés pour la discussion :

    a) Les administrations locales et nationales, en concertation avec les partenaires de la société civile, devraient lancer des campagnes nationales de publicité pour mieux faire connaître le Programme pour l'habitat et Action 21 et pour appuyer leur mise en oeuvre au niveau local. Les campagnes devraient avoir notamment pour cible : les éditeurs de journaux, les producteurs d'émissions de radio et de télévision, les chefs religieux et communautaires, les parlementaires, les associations de consommateurs, les chambres de commerce et d'industrie ainsi que les écoles et les universités. Ces campagnes pourraient être liées aux deux Campagnes mondiales sur la sécurité foncière et la gouvernance urbaine proposées dans le programme de travail du CNUEH (Habitat) pour l'exercice biennal 2000-2001.

    b) Les administrations locales et nationales, en collaboration avec les partenaires de la société civile et avec l'aide du CNUEH (Habitat) et d'autres organisations, devraient procéder à la révision des cadres juridiques et institutionnels au niveau national et local afin de permettre ou faciliter la création de partenariats et la participation communautaire.

    c) Les administrations locales et nationales, en collaboration avec les partenaires de la société civile et avec l'aide du CNUEH (Habitat) et d'autres organisations, devraient lancer des programmes de formation pour les élus locaux, les responsables communautaires, les professionnels, les organisations non gouvernementales ainsi que les partenaires du secteur privé et les ménages, sur les façons de mettre en place et de gérer des partenariats pour le développement urbain durable dans le cadre du Programme pour l'habitat et des programmes locaux inspirés d'Action 21, tout en renforçant les programmes existants.

    d) Les administrations locales et nationales, en collaboration avec les partenaires de la société civile et avec l'aide du CNUEH (Habitat) et les autres organisations concernées, devraient mettre en place des programmes et projets visant à améliorer la tarification des services locaux, l'introduction de taxes locales, la collecte et la gestion des revenus de toutes les sources locales, de même que les programmes et les projets visant à stimuler et à renforcer l'efficacité des employés municipaux afin d'établir des cadres institutionnels durables pour le développement local, tout en consolidant ceux qui existent déjà. Ces programmes et ces projets pourraient être liés à la Campagne mondiale sur la gouvernance urbaine proposée par le Centre.

    e) Les administrations, en collaboration avec les partenaires de la société civile, devraient encourager les autorités locales à établir des observatoires urbains locaux, dans le cadre de l'initiative lancée par le CNUEH (Habitat) d'un Observatoire urbain mondial, afin d'améliorer la collecte et l'utilisation de l'information sur le développement durable au niveau local, et pour permettre le contrôle et l'évaluation des initiatives de développement local.

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